EXPROPRIATION - Conformité à la constitution de l'article L.322-2 du Code de l'Expropriation
Le Conseil constitutionnel retient l'approche globale d'une opération d'aménagement pour l'évaluation des biens expropriés, sans distinguer selon que le bien exproprié a vocation à demeurer dans le patrimoine de l'autorité publique expropriante, ou qu'il est destiné à être revendu par l'expropriant à des constructeurs.
Cons. const., 11 juin 2021, n° 2021-915/916 QPC, M. Abdul S. et autres.
La Cour de cassation avait renvoyé la question suivante au Conseil constitutionnel : « La règle d'évaluation des biens expropriés selon leur usage effectif à la date de référence, sans prise en compte des changements de valeur intervenus depuis cette date, lorsqu'elle est appliquée à l'évaluation d'un bien destiné à être revendu par l'expropriant dans des conditions déjà déterminées et lui permettant de bénéficier d'une plus-value certaine, est-elle de nature à créer un déséquilibre entre les intérêts de l'exproprié et ceux de l'expropriant, celui-ci étant protégé de la spéculation foncière qui aurait pu bénéficier à l'exproprié, tout en étant assuré d'en tirer lui-même profit. Dans une telle hypothèse, cet article ne porte t'il pas atteinte à l'exigence selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité ?
Le Conseil constitutionnel a estimé dans sa décision que l'article L.322-2 du Code de l'Expropriation ne porte pas atteinte à la constitution avec la motivation suivante:
15. En premier lieu, d'une part, l'expropriation d'un bien ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée, sous le contrôle du juge administratif.
16. D'autre part, en interdisant au juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe le montant de l'indemnité due à l'exproprié, de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations.
17. Le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.
Le Conseil Constitutionnel se refuse à établir une gradation dans la notion d'utilité publique, et à opérer une distinction entre les terrains qui ne seraient pas destinés à être cédés de ceux qui seront en tout ou partie commercialisés auprès de futurs constructeurs, une fois viabilisés.
C'est le projet dans toutes ses composantes qui doit être examiné par le juge pour contrôler l'intérêt général de l'opération sans distinguer selon que le bien exproprié a vocation à demeurer dans le patrimoine de l'autorité publique expropriante ou qu'il est destiné à être revendu par l'expropriant à des constructeurs.
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