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EXPROPRIATION - À quelles conditions les effets d’une Déclaration d'Utilté Publique (DUP) peuvent-ils être prolongés ?

Le 08 avril 2019
Les effets d’une DUP ne peuvent être prolongés si le projet a perdu son utilité publique. Cette prolongation ne peut intervenir sans qu’une nouvelle enquête soit réalisée si les caractéristiques du projet initial ont été substantiellement modifiées.

La prolongation d’une DUP était, sous l’empire de l’ancien code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, encadrée par l’article L. 11-5 qui prévoyait qu’un « acte pris dans la même forme que l’acte déclarant l’utilité publique peut, sans nouvelle enquête publique, proroger une fois les effets de la déclaration d’utilité publique ».


Le juge administratif a été amené à fixer les critères de légalité des actes prolongeant les effets des DUP en l’encadrant par deux limites.


1°) La première tient à ce qu’une prorogation de DUP ne peut légalement intervenir si le projet a perdu son utilité publique, que cette perte résulte d’un changement dans les circonstances de fait ou de droit. De même l’autorité compétente se voit tenue d’abroger une DUP si le caractère d’utilité publique du projet disparait avant qu’il ne soit réalisé.


2°) La seconde est relative aux modifications substantielles du projet initialement déclaré d’utilité publique. Si de telles modifications sont opérées, en effet, il appartient à l’autorité compétente de modifier son projet et, par suite, d’organiser une nouvelle enquête publique.


Cette seconde condition rejoint celle dégagée dans la jurisprudence relative aux modalités de modification du projet pendant la durée de validité de la DUP.


Le Conseil d’État a pu récemment juger que lorsqu’un projet déclaré d’utilité publique fait l’objet de modifications substantielles durant la période prévue pour procéder aux expropriations nécessaires, sans toutefois qu’elles conduisent à faire regarder celui-ci comme constituant un projet nouveau, il incombe à l’autorité compétente de porter une nouvelle appréciation sur son utilité publique au regard de ces changements et de modifier en conséquence la déclaration d’utilité publique initiale. Une telle modification, qui n’a pas pour effet de prolonger la durée pendant laquelle doivent être réalisées les expropriations, ne saurait toutefois légalement intervenir qu’à la suite d’une nouvelle enquête publique (CE 22 oct. 2018, Cne de Mitry-Mory, n° 414086) .


Si les critères permettant d’apprécier la légalité d’une prolongation de DUP semblaient donc bien fixés par la jurisprudence, l’entrée en vigueur du nouveau code de l’expropriation est toutefois venu semer le trouble avec la rédaction de son article L. 121-5 qui prévoit que la prolongation de DUP « peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l’absence de circonstances nouvelles ».


C’est à l’interprétation de ces nouvelles dispositions que s’est livré le Conseil d’État dans l’arrêt commenté du 13 mars 2019 n°418994. Voir ici l'arrêt


Les requérants contestaient un décret prolongeant de 8 ans la déclaration d’utilité publique des travaux de réalisation d’un contournement autoroutier situé à l’ouest de Strasbourg.


Les requérants soulevaient notamment le moyen tiré de ce que le projet avait été modifié depuis l’acte déclaratif initial, de sorte que les dispositions précitées du nouvel article L. 121-5 du code de l’expropriation faisaient obstacle à ce que la prolongation intervienne sans qu’une nouvelle enquête publique soit organisée.
Le Conseil d’Etat a considéré qu’il résulte des dispositions du nouvel article L. 121-5 du code de l’expropriation, combinées avec celles des articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-4 du même code, que les effets d’une DUP peuvent être prolongés « sauf si l’opération n’est plus susceptible d’être légalement réalisée en raison de l’évolution du droit applicable ou s’il apparaît que le projet a perdu son caractère d’utilité publique par suite d’un changement des circonstances de fait ».

Cette prorogation, poursuit le Conseil d’État peut être décidée « sans procéder à une nouvelle enquête publique, alors même que le contexte dans lequel s’inscrit l’opération aurait connu des évolutions significatives, sauf si les caractéristiques du projet sont substantiellement modifiées. À cet égard, une augmentation de son coût dans des proportions de nature à en affecter l’économie générale doit être regardée comme une modification substantielle. »


En l’espèce, les modifications du projet, qui consistaient notamment en des rectifications du tracé, en l’abandon de la possibilité d’élargissement de l’infrastructure à deux fois trois voies, en la création d’un pôle d’échange multimodal et en la reconfiguration de l’échangeur nord, sont regardées comme non substantielles par le Conseil d’État.


De même, l’évolution du coût du projet, qui est de l’ordre de 12 % hors inflation, n’est pas regardée comme affectant son économie générale (la haute juridiction place, semble-t-il, la limite à environ 30 % d’augmentation). En conséquence, la DUP pouvait légalement être prolongée, et ce sans qu’une nouvelle enquête publique soit préalablement organisée.

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